Avant d’introduire une nutrition artificielle (entérale ou parentérale), il a y plusieurs aspects à prendre en considération.
Raisons de la mise en place d’une nutrition artificielle : broblèmes mécaniques ou neurologiques à la prise alimentaire orale (troubles de la déglutition, cancer ORL, sténose tube digestif, iléus) versus anorexie en lien avec la maladie avancée. En fonction de la raison principale, les objectifs et surtout les résultats escomptés ne sont pas les mêmes et doivent donc être intégrés dans la réflexion globale.
Les objectifs et attentes d’une nutrition artificielle : ceux-ci sont à élaborer et à discuter avec le patient et son entourage, car la plupart du temps ils sont souvent discordants entre le corps médico-soignant et le patient/proches. Le patient et/ou l’entourage expriment souvent la crainte d’un décès prématuré en présence d’une diminution des apports oraux et/ou en présence d’une anorexie importante; ils attendent ainsi une prolongation de la vie ou une «survie» du patient grâce à la nutrition artificielle.
Les objectifs raisonnables et/ou réalistes pourraient être :une amélioration ou un maintien de la fonctionnalité, (permettant p.ex. de participer à des évènements ou activités importants pour le patient), reprendre une certaine activité physique, ressentir moins de fatigue, passer plus de temps en dehors du lit, abolir une sensation de faim (si elle existe).
Les inconvénients d’une nutrition artificielle : la mise en place des dispositifs permettant d’administrer une nutrition artificielle (entérale ou parentérale) est une atteinte à l’intégrité corporelle et peut en fonction du patient être mal vécue, être gênant par rapport à l’apparence physique, provoquer des douleurs ou d’autres inconforts, Il s’y ajoute le fait d’être «branché» à un tuyau pour plusieurs heures par jour/nuit. Une administration conforme et sécuritaire d’une nutrition artificielle nécessite des prises de sang régulières et parfois des contrôles radiologiques. En cas d’agitation ou chez un patient n’ayant pas sa capacité de discernement la mise en place d’une SNG (sonde nasogastrique) peut être traumatisante et le patient est à grand risque de l’ôter de façon non intentionnelle.
Les effets secondaires potentiels d’une nutrition artificielle : syndrome de renutrition, perturbation des tests hépatiques, mauvaise tolérance au niveau digestif avec diarrhées ou constipation, nausées/ vomissements, broncho-aspirations, aggravation d’un encombrement (par micro-aspiration); plus rarement la SNG peut causer des ulcérations en contact avec la peau ou les muqueuses sur toute la trajectoire; obstruction de la tubulure. En ce qui concerne la nutrition parentérale: infections du cathéter ou bactériémie – fongémie ou septicémie, formation d’un thrombus intraveineux, perturbation des tests hépatiques, voire atteinte hépatique chronique en cas d’utilisation prolongée, hypo-ou hyperglycémies, troubles électrolytiques, surcharge hydrique, atrophie intestinale, problèmes avec la vésicule biliaires dus à sa non-utilisation.
Le pronostic de la maladie de base. En cas de cancer avancé, les experts suggèrent de bien pondérer les bénéfices et les inconvénients avant de considérer une nutrition artificielle. Chez des patients avec un pronostic supérieur à 3 mois, on peut considérer une nutrition artificielle en sachant que la qualité de vie et une prolongation de la survie n’ont été démontrées que chez des personnes avec un bon index de performance. Dans des situations de fin de vie, il faut renoncer à une nutrition artificielle et privilégier une alimentation plaisir. Chez les personnes avec une démence très avancée, une nutrition artificielle dans les derniers trois mois de vie n’a pas amélioré la qualité de vie et ne l’a pas prolongée non plus. Ce cut-off de trois mois est ainsi aussi utilisé pour les autres maladies chroniques telles que l’insuffisance respiratoire, cardiaque ou rénale
Les évidences scientifiques : davantage d’informations sont décrites dans les guidelines d’ESPEN (European Society for Clinical Nutrition and Metabolism), fondées sur les évidences scientifiques lorsque celles-ci existent, autrement il s’agit de consensus d’experts.
Avant de décider en équipe interdisciplinaire et avec le patient de débuter une nutrition artificielle, nous conseillons d’aborder de déterminer les points suivants :
- Recueillir les attentes du patient et de ses proches par rapport à la nutrition artificielle
- Définir à l’avance les limites de la nutrition artificielle
- Expliquer les inconvénients et potentiels effets secondaires en lien avec une nutrition artificielle
- Si une nutrition artificielle est débutée:
- Définir des objectifs clairs et mesurables en lien avec la nutrition artificielle.
- Définir dans quel intervalle de temps l’atteinte des objectifs sera réévaluée.
- Déterminer pour quels effets secondaires/inconvénients la nutrition artificielle sera arrêtée ou interrompue
Comment et quand interrompre une nutrition artificielle
Il se peut qu’en situation de fin de vie, la nutrition artificielle n’ait plus d’effets bénéfiques pour le patient. Il est ainsi important de discuter ceci avec lui et ses proches. Parfois, ceci est évident pour le patient et son entourage et l’arrêt se fait de façon naturelle. Parfois, la compréhension de la situation et les attentes ne permettent pas au patient d’envisager un arrêt de la nutrition artificielle. Le fait d’arrêter la nutrition peut être vécu comme un abandon. À ce moment-là, nous suggérons d’aller au rythme du patient. Toutefois, si les effets secondaires sont tels que la nutrition artificielle puisse être considérée comme malfaisante, on peut dans la plupart du cas négocier avec le patient un arrêt transitoire de la nutrition artificielle avec des évaluations régulières, accompagnées par des entretiens. La plupart du temps, il n’y a ensuite plus d’indication ni de souhait du patient de reprendre la nutrition artificielle.