L’annonce de mauvaise nouvelle représente un moment crucial pour le patient, ses proches, ainsi que pour les soignants. L’information délivrée provoque souvent une bascule radicale de l’idée que le patient se fait de son propre avenir, avec une menace à son bien-être psychique, physique et spirituel ; un bouleversement de l’horizon existentiel voir même de son ontologie.
EPICES
E = environnement
- Préparation des soignants pour être disposé (pause, silence, prendre l’air).
- Favoriser a minima un binôme médico-soignant pour faciliter la continuité des soins.
- Connaissance du dossier (résultats examens récents, pronostic).
- Anticiper le déroulement de l’entretien: le leader, la durée, les objectifs (à limiter), besoin de traducteur.
Contexte :
- Lieu calme, disposition adaptée (en rond, éviter grandes tables, proximité avec contact visuel privilégié), support (eau et verres, mouchoirs), limiter interruptions (téléphone, pancarte sur la porte).
Préparation du patient :
- Présence de proche(s) significatif(s) souhaitée.
- Communiquer le lieu et la durée de l’entretien.
P = Perception du patient sur sa situation médicale
- Identifier ce que sait déjà le patient sur sa maladie et impact sur son avenir: niveau de compréhension, le mode d’expression, l’état émotionnel.
Ex: Pouvez-vous nous décrire comment vous vivez votre maladie en ce moment ? Quelles sont les informations qui vous ont été transmises, jusqu’à présent ? Qu’est-ce qui est important pour vous ? - En parallèle, investiguer la typologie du patients (anxieux, rationnel, etc.) afin d’adapter le discours.
- Investiguer l’écart entre la compréhension de la situation avant l’annonce, les attentes du patient (projet d’avenir) et la réalité médicale. Ce delta détermine une part de l’impact émotionnel potentiel de l’annonce.
I = Invitation à transmettre
- Adapter le niveau de transmission selon le rythme et souhait du patient: déterminer non pas si oui ou non la personne veut entendre de mauvaises nouvelles, mais plutôt à quel niveau il souhaite les obtenir.
Ex : Qu’aimeriez-vous savoir ? Qu’est-ce qui est important pour vous à connaître ? Quels sont vos besoins, vos préoccupations actuelles (souvent différentes de celles des soignants) ? Aimeriez-vous que je vous explique les détails du diagnostic ? - Adapter son discours, son vocabulaire (reprendre celui du patient, éviter jargon), son empathie aux capacités de résilience présumées du patient. Éviter les questions fermées.
C = Connaissances: vérifier la bonne transmission
- Moment de l’annonce: être précis et compréhensible dans le choix des termes. Informer par segments courts «digestes» Vérifiez le niveau de compréhension du patient/famille: feedback sur l’information donnée. Permettre des moments de silence, d’expressions (sans couper la parole) et faire preuve d’honnêteté.
Ex: avez-vous déjà entendu parler de cette situation ? Connaissez-vous quelqu’un qui a cette maladie ?
E= Empathie
Attitude relationnelle :
- Être là pour l’autre de manière authentique, transparente et congruente avec ses propres émotions, si possible chaleureux, respectueux, compréhensif, en préservant une part d’optimisme (c.f. approche «prepare for the worst and hope for the best»).
- Accueillir les émotions du patient et des proches : nommer/légitimer/ soutenir/valider les émotions provoquées. Éviter les jugements et les réassurances disproportionnées. Ex: Cette nouvelle vous bouleverse et c’est tout à fait compréhensible, nous sommes là pour vous écouter…
NB: Si le patient passe par une phase de sidération, il faut éviter la surcharge d’information, mais privilégier l’accueil émotionnel et explorer les craintes et deuils anticipés. Proposer une phase de pause sans soignants avant de reprendre l’entretien.
S= Stratégies et synthèses
- Identifier les craintes et risque de deuils anticipés (perte économique/ emploi, perte d’autonomie, anxiété de mort anticipée, anxiété face aux conséquences des traitements) et SURTOUT les ressources (les proches disponibles, médecin traitant, spiritualité, religion, approches complémentaires, loisirs) et stratégies d’ajustement (explorer ce qui a été utile dans le passé), favoriser la capacitation: son autonomisation et regagner du pouvoir.
- Explorer les options thérapeutiques disponibles, leurs implications :
- Possible à faire dans un deuxième temps (pour laisser digérer)
- Faire la différence entre les problèmes réversibles et irréversibles. Présenter une stratégie qui confirme l’individualité du patient et la spécificité du traitement
- Rendre compte de la part d’incertitude et d’espoirs maintenus
- Laisser du temps à la réflexion hors consultation avant un choix.
- Résumer la mauvaise nouvelle et ses conséquences, clarifier les objectifs, le suivi, le prochain entretien.
- Demander s’il reste des questions, des besoins restés sans réponse, des points à clarifier.
- Clore l’entretien en fixant un prochain rendez-vous et présenter les soutiens à disposition (en fonction des besoins exprimés).
- Prévoir un temps de debriefing soignant, feedback aux absents, transcription DPI.
- Prévoir un temps de recollection, de dissipation.