Newsletter numéro 8 - septembre 2022

Titre
Hôpital des Trois-Chêne
Adresse

3 chemin du Pont-Bochet
1226 Thônex
Suisse

Christophe Graf
Professeur
Christophe Graf
Médecin-chef de service

Dans le monde

La recherche internationale

Un scientifique français accusé de fraude dans la recherche sur Alzheimer

Fraude_cascade amyloïde

En juillet dernier, la revue Science a publié un article mettant en cause le travail d’un chercheur français travaillant aux Etats-Unis. Ce dernier aurait sciemment falsifié des recherches portant sur l’hypothèse de la cascade amyloïde : l’amas de plaques amyloïdes amènerait un dépôt de protéines tau dans les cellules nerveuses du cerveau provoquant la mort progressive de ces dernières et la démence associée ; la suppression des plaques amyloïdes permettrait ainsi de ralentir ou stabiliser la maladie d’Alzheimer.
Le Pr Giovanni Frisoni a été sollicité par plusieurs médias à propos de cette fraude supposée et des répercussions éventuelles que pourrait avoir cette dernière sur la recherche actuelle. Interrogé par Le Figaro, le Pr Frisoni souligne que « cette hypothèse de cascade amyloïde en elle-même n’est qu’une de celles qui existent dans notre domaine de recherche, et elle était déjà controversée avant ». Il mentionne également dans Heidi.news que l’hypothèse de la cascade amyloïde « provient des observations effectuées auprès de patients avec une forme familiale (héréditaire, ndlr.) de la maladie d’Alzheimer. Ce sont des patients très, très rares : ils représentent moins de 1 cas sur 1000 en Suisse, et pas beaucoup plus ailleurs. »

 Il relève enfin que l’hypothèse de la cascade amyloïde doit plutôt être considérée comme un facteur contributif plutôt que comme une cause déterminante, un facteur de risque sans doute très puissant mais un parmi d’autres. La révélation de cette fraude si elle est avérée ne modifie en rien le consensus scientifique établi sur la recherche dans la maladie d’Alzheimer.

Un cerveau, une vie, une approche

Infographie EAN

L’Académie européenne de Neurologie (EAN) a lancé une vaste campagne de sensibilisation à la santé du cerveau. Dans son rapport publié à la fin du printemps 2022, l’EAN relève que beaucoup d’efforts sont déployés en vue de diagnostiquer, traiter et prendre en charge les troubles neurologiques, mais que l’accent doit aussi fortement être mis sur la prévention. En effet, selon des études récentes mentionnées dans ce rapport, jusqu’à 40% des démences et 50% des accidents vasculaires cérébraux pourraient ainsi être évités. Le Centre de la mémoire se réjouit de cette initiative de l’EAN, qui valide ses efforts dans le domaine de la prévention. La stratégie de l’EAN se base sur 5 points :

  • Contribuer à une approche mondiale et internationale pour la santé du cerveau
  • Soutenir les 47 sociétés nationales européennes (membre de l’EAN), les soins de santé et les décideurs politiques dans la mise en œuvre de campagnes intégrées et centrées sur les personnes
  • Favoriser la recherche
  • Promouvoir la formation des étudiants, des neurologues, des médecins généralistes, des autres spécialistes et professionnels de la santé, des patients, des soignants et du grand public.
  • Sensibiliser le public aux troubles neurologiques et à la santé cérébrale

Cette campagne vise à la prise de conscience de trois niveaux de prévention, allant de l’individu aux politiques en charge des questions sociétales et environnementales :

  • Préserver sa santé cérébrale en favorisant l’activité mentale et physique en veillant à son alimentation, à un sommeil suffisant et de bonne qualité et au maintien des interactions sociales.
  • Protéger et prévenir sa santé cérébrale en veillant à surveiller les facteurs susceptibles de l’altérer (hypertension, surpoids, dépression, diabète, déficience auditive, cataracte)
  • Planifier des actions permettant d’agir sur des éléments régis  par les décideurs politiques, notamment l’éducation et la pollution de l’air, la situation politique, les stratégies de recherche et les conditions socio-économiques.

Du prélèvement aux analyses : le parcours des échantillons au Centre de la mémoire et à l’international

Laboratoire_CdM

Le laboratoire du Centre de la mémoire a un rôle central dans le processus de recherche. Non seulement par la collecte, la préparation et l’analyse des échantillons afin de répondre aux hypothèses scientifiques posées, mais aussi dans le cadre de nombreuses collaborations internationales. Quatre types d’échantillons sont principalement récoltés :

  • Le sang
  • La salive
  • Les selles
  • Le liquide céphalo-rachidien

Pour le sang par exemple, différents traitement permettent d’extraire le plasma, le sérum, l’ADN ou l’ARN. Ainsi, l’échantillon de sang d’un seul patient permet d’obtenir 8 échantillons de sérum, 8 de plasma, 2 d’ARN et 1 d’ADN. La récolte de plasma permet, par exemple, d’identifier de nouveaux biomarqueurs potentiels pour le diagnostic précoce. La salive, elle, est utilisée pour récolter l’ADN afin de faire de nombreuses analyses, dont celle du microbiote. Les selles procurent 12 échantillons (dont un servira à extraire l’ADN pour l’analyse du microbiote) et le prélèvement de liquide céphalo-rachidien, 15 échantillons.

Ces différents éléments sont ensuite directement utilisés pour des études (gMAD, COSCODE, …) ou stockés dans un réfrigérateur à -80°C. La conservation de ces échantillons permet de constituer une biobanque grâce à laquelle le Centre de la mémoire peut réaliser des comparaisons sur un nombre très important de participants ou encore partager ces échantillons avec des collaborateurs internationaux qui ont accès à des techniques d’analyses novatrices. Grâce à ces échantillons, le Centre de la mémoire souhaite parvenir, par exemple, à valider l’utilisation de biomarqueurs sanguins dans le dépistage de la maladie d’Alzheimer, ce qui permettrait à l’avenir d’éviter la ponction lombaire et de monter des programmes de dépistage à grande échelle.

A Genève

La recherche au Centre de la mémoire

La biobanque, outil indispensable à la recherche

Biovanque

Le terme biobanque peut revêtir différentes significations. Il renvoie généralement à des collections d’échantillons de substances corporelles humaines associées à des données personnelles et des informations relatives aux donneurs. Mais ce nom peut également être attribué à la structure qui s’occupe de ces échantillons. Cette dernière assure la préparation, le stockage et la mise à disposition d’échantillons biologiques pour les chercheurs.

Au cours d’une étude clinique et après consentement du sujet pour l’utilisation de ses prélèvements biologiques, des tubes de sang ou d’autres matériels supplémentaires sont prélevés en plus de ceux utilisés pour son diagnostic. Les analyses prévues sur ces échantillons permettront de répondre à des questions de recherche prévues dans le protocole de l’étude. La commission d’éthique qui approuve le projet de recherche demande à l’investigateur un règlement de biobanque lorsqu’il y a prélèvement d’échantillons supplémentaires. Ce document précise qui est le responsable de la collection et ce qui est prévu de faire avec les échantillons (analyses, durée de stockage, collaboration). Le donneur peut demander la destruction de ses échantillons en révoquant son consentement.

Conformément à la loi sur la recherche humaine (LRH) et  la loi sur la Protection des données (LPD), tous les échantillons sont codés ainsi que les données associées pour prévenir l’identification du donateur. Les échantillons sont prélevés, transportés au laboratoire, préparés puis stockés. Toutes ces étapes, que l’on appelle le préanalytique, sont standardisées afin que les échantillons soient comparables entre eux. Selon la nature des échantillons prélevés, le stockage peut se faire dans des congélateurs à -20°C, -80°C ou dans des cuves d’azote liquide à -196°C.

Pour l’étude COSCODE sur les troubles subjectifs de la mémoire, initiée par le Centre de la mémoire, les échantillons sont gérés par la structure nommée Biothèque qui appartient au Service de Médecine de Laboratoire du département Diagnostique des HUG. Parmi les éléments stockés se trouvent du plasma, du sérum et du sang total en vue d’extraction de l’ADN, ainsi que des échantillons de selles pour isoler l’ADN bactérien du microbiote et du liquide céphalorachidien.

Simoa, un outil de pointe au service de la recherche au Centre de la mémoire

Simoa

Grâce à la Fondation Minkoff, le Centre de la mémoire a récemment fait l’acquisition d’une machine Simoa (Quanterix®). Cette dernière revêt une importance-clef dans la poursuite des recherches du Centre sur la maladie d’Alzheimer. En effet, sa grande précision aide à détecter les marqueurs sanguins d’amyloïde, de tau et d’inflammation (appelés Ab42, Ab40, P-Tau, GFAP, NfL)  permettant d’une part de cartographier de manière plus précise les personnes qui présentent de hauts risques de développer la maladie d’Alzheimer et, d’autre part, de confirmer la présence d’un diagnostic de maladie d’Alzheimer. Dans le cadre de la recherche, il est très important de pouvoir clairement caractériser les populations étudiées. L’utilisation de biomarqueurs robustes permet une meilleure interprétation des résultats et une sélection de patients ciblée en fonction des thérapies testées. Le choix de la machine Simoa s’appuie sur les dernières recherches qui ont démontré la supériorité de sa précision de détection. Le but final est également de pouvoir implémenter ces tests dans le diagnostic clinique des patients du Centre de la mémoire. Aujourd’hui, le diagnostic de la maladie d’Alzheimer s’effectue par une analyse de biomarqueurs dans le liquide céphalo-rachidien et nécessite par conséquent une ponction lombaire pouvant être considérée comme invasive et requérant l’intervention d’un médecin. Le fait de pouvoir mesurer les biomarqueurs par le biais d’une simple prise de sang permettrait une amélioration et une simplification de la prise en charge des patients avec une conséquence certaine sur le nombre de personnes diagnostiquées.

Dans le cadre de l’étude COSCODE (plus de 600 individus), par exemple, ces biomarqueurs sanguins seront mesurés et comparés à de multiples facteurs de la maladie. Ils seront testés pour déterminer si certains d’entre eux pourraient être prochainement utilisés pour le diagnostic clinique de la maladie d’Alzheimer, voire pour son dépistage.

Brain Health Registry-Suisse : plus de 1000 partenaires de recherche déjà inscrit-es

BHR_Suisse

Huit mois après son lancement officiel, le 11 janvier 2022, le BHR compte plus de 1000 personnes inscrites dans toute la Suisse, au sein des huit Centres de la mémoire partenaires. Les Centres de Suisse latine (Lausanne, Genève, Fribourg, Lugano et le canton bilingue Berne) recensent la majorité des inscriptions, sans doute grâce à une campagne de communication plus active. Cette première étape permet de mettre en évidence la générosité, l’intérêt et la confiance à l’encontre de cette structure que témoignent les personnes qui se sont inscrites. Grâce à elles, le partenariat scientifique entre volontaires et chercheurs permet de faire progresser la recherche sur les maladies neurodégénératives de type Alzheimer en mettant notamment en place des approches thérapeutiques préventives et des techniques de diagnostics précoces. Parallèlement, il permet aux volontaires d’accéder potentiellement à des technologies de pointe, à des méthodes de traitements innovantes et aux médicaments les plus récents. 

Dès à présent, le recrutement pour des études peut se réaliser dans les différents Centres. Certains mêmes, comme c’est le cas au Centre de la mémoire à Genève, ont déjà effectué des recrutements, notamment pour l’étude Evoke/Evoke plus.

Pour les chercheurs, il y a deux manières de procéder : consulter la base de données parmi les 1000 profils enregistrés en entrant les critères d’inclusion et d’exclusion de leurs études. Ou publier un descriptif des conditions de recrutement de l’étude sur l’onglet « projets de recherche » du site BHR.  Dans cette partie qui vient d’être ajoutée, les partenaires de recherche pourront directement postuler auprès des personnes de contact mentionnées.

PREVIOUSLY… Au Centre de la mémoire

Le Centre de la mémoire a fêté ses 5 ans

5 ans_CdM

Le 2 juin dernier, le Centre de la mémoire a fêté ses 5 années d’existence. Pour cette occasion, en collaboration avec L’Association Suisse pour le Recherche sur l’Alzheimer, des portes ouvertes ainsi qu’une soirée officielle ont été organisées en présence du Président du Conseil d’Etat Mauro Poggia, du Vice-directeur des HUG, André Kolly et du Chef du Département de Gériatrie et Réadaptation. Plusieurs médias se sont fait l’écho de cette étape importante dans la vie du Centre de la mémoire, au nombre desquels la Tribune de Genève qui a également rédigé un éditorial à ce propos, la Radio Télévision Suisse, la Radio Svizzera Italiana Rete Uno et Léman bleu.

 

Le Pr Giovanni Frisoni dans le classement des Top Medicine Scientists

Research.com  a publié pour la première fois un classement des meilleurs scientifiques en médecine en se basant sur le Microsoft Academic Graph du 6 décembre 2021. Il a pris en compte la proportion des contributions apportées dans une discipline donnée ainsi que les récompenses et les réalisations des scientifiques. Le Professeur Giovanni B. Frisoni apparaît ainsi en 22ème position parmi tous les scientifiques suisses en médecine.

La prestigieuse bourse Ambizione récompense deux projets liés au Centre de la mémoire

Dr Aurélien Lathuilière

Le Dr Aurélien Lathuilière, médecin adjoint au Centre de la mémoire, a obtenu une prestigieuse bourse du Fonds National Suisse (FNS) dans le cadre du programme compétitif Ambizione. Ce dernier a pour but de soutenir de jeunes chercheurs prometteurs qui souhaitent développer un programme de recherche autonome. Le financement octroyé pour 4 années permettra au Dr Lathuilière de poursuivre une activité de recherche fondamentale sur la maladie d’Alzheimer en parallèle de son activité clinique au Centre. L’objectif du projet soutenu est de développer des outils de mesure de certaines formes toxiques de la protéine tau qui pourraient être utilisés notamment comme biomarqueurs dans la maladie d’Alzheimer et d’autres maladie neurodégénératives, avec pour but de pouvoir prédire la vitesse de progression de la maladie.

Lucie Bréchet

Le Dre Lucie Bréchet, du Département de Neurosciences de l’Université de Genève, est également lauréate de la bourse Ambizione du FNS pour sa recherche scientifique. Cette dernière combinera des approches scientifiques, technologiques et cliniques pour évaluer le rôle des oscillations cérébrales dans la mémoire autobiographique (ABM), une fonction cognitive complexe qui stocke et récupère les expériences de notre vie et aide à définir qui nous sommes. Le Dre Bréchet mènera ce projet à la Faculté de médecine de l'Université de Genève, au Département de réadaptation et de gériatrie et au Centre de la mémoire, sous la direction du Prof. Giovanni Frisoni.

Le 7ème Cours lémanique s’est tenu à Genève

Cours Lémanique

Le 22 juin 2022, les Centres de la mémoire des HUG et du CHUV ont conjointement organisé le 7ème Cours lémanique qui a lieu chaque année alternativement à Genève et à Lausanne. Les intervenants ont apporté différents éclairages sur le thème  « La révolution du traitement des troubles cognitifs grâce aux anticorps monoclonaux ? ». Le cours, donné à la fois en présentiel et en visioconférence, a été suivi par plus de 120 personnes dont les deux-tiers en ligne. Le questionnaire d’évaluation remis à chaque participant a permis de relever globalement un indice de satisfaction élevé tant sur la qualité des intervenants et que sur leurs interventions. Le prochain cours lémanique aura lieu à Lausanne en 2023.

Agenda

21 septembre 2022, de 18h à 20h30, à Genève, Auditoire Jenny : Journée genevoise de l'Alzheimer. Pour le grand public et les partenaires de recherche du Centre de la mémoire, qui auront l’opportunité d’apprendre comment leurs tests et leur matériel biologique ont été utilisés par les scientifiques.

29 septembre 2022, de 17h30 à 18h15, en ligne: Colloque du Centre de la mémoire, The synergy of clinical and cognitive neuroscience: the test case of fronto-temporal dementia and language, Dre Valentina Borghesani, Postdoctoral researcher, Université de Montréal. Pour les professionnels de la santé et les scientifiques du domaine.

13 octobre 2022, de 17h30 à 18h15, en ligne: Colloque du Centre de la mémoire, Never too late: music-induced brain and cognitive benefits in healthy elderly, Pre Clara James, Professeure ordinaire HES, Responsable de l’Institut de recherche (IR-HEdS), Haute école de santé de Genève. Pour les professionnels de la santé et les scientifiques du domaine. 

8 décembre 2022, de 17h30 à 18h15, en ligne : Colloque du Centre de la mémoire, Vascular contributions to cognitive impairment: CAA and AD, Dr Lukas Sveikata, Médecin chef de clinique, Département des neurosciences cliniques, HUG.  Pour les professionnels de la santé et les scientifiques du domaine. 
 

Version PDF de la newsletter de septembre 2022

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Dernière mise à jour : 17/10/2023