L'épidémie de grippe de 1918

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De nombreux lits sont alignés dans la grande passerelle, des femmes y sont assises ou alitées.
Épidémie de grippe - lits d'appoint, 1918
Photo no 287

La grippe dite « espagnole » fait des ravages en 1918-1919 dans le monde entier (plusieurs dizaines de millions de morts). La Suisse n’échappe pas à la pandémie. Elle est frappée par deux vagues principales : en été 1918, puis de septembre 1918 à mai 1919. Selon les estimations, la moitié de la population nationale est touchée par la maladie, soit deux millions d’individus. Près de 25 000 personnes en décèdent. La tranche d’âge des 20 à 50 ans paie le plus lourd tribut. Particulièrement agressif, le virus présente un risque élevé de complications pulmonaires et les formes foudroyantes sont fréquentes. 

À Genève, 24'392 cas de grippe sont déclarés entre le 1.7.1918 et le 30.6.1919, soit 141 habitants pour mille (contre 187 pour mille au niveau national). Le nombre de personnes grippées qui ne consultent pas et échappent donc à la déclaration, pourtant obligatoire, est inconnu, mais probablement important.

La Commission sanitaire genevoise propose diverses mesures au Conseil d’État : fermeture des écoles, interdiction de spectacles ou de réunions publiques… Certains services publics, comme les standards téléphoniques ou la distribution du courrier, sont restreints par manque de personnel. Les taxis sont réquisitionnés pour les médecins de ville, l’essence étant rationnée en raison de la guerre et peu disponible pour les privés.

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De nombreux lits sont alignés dans la grande passerelle, des femmes y sont assises ou alitées.
Épidémie de grippe - lits d'appoint, 1918
Photo no 288

Le 7 juillet 1918, l’épidémie fait une entrée fracassante à l’Hôpital cantonal avec l’afflux de 40 recrues, toutes atteintes de la grippe. Celle-ci sévit en effet d’abord parmi les militaires, épuisés après quatre ans de service et de vie dans la promiscuité. 

L’institution est sous pression, par manque d'effectifs et de place. De nombreux médecins et membres du personnel sont encore mobilisés au front ou malades eux-mêmes. D’autres organismes, dont la Société des Samaritains, la Société sanitaire et la Colonne volante de la Croix-Rouge sont appelés à la rescousse.

Seuls les cas les plus graves sont admis, et les séjours sont écourtés dès que possible pour pouvoir libérer les places pour les malades suivants. Les opérations chirurgicales non urgentes sont suspendues, les visites aux malades interdites. 

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Vue extérieure sur la passerelle qui lie l'Hôpital cantonal à la Clinique chirurgicale, dans un cadre très végétalisé.
Vue extérieure sur la passerelle (au 1er étage de la construction), ca. 1920
Photo no 092

Des lits d’appoint sont installés dans tous les espaces imaginables, comme la passerelle reliant le bâtiment principal à la Clinique chirurgicale (visible au centre gauche du plan de 1913).

Néanmoins, les possibilités d’hébergement sur le site de Cluse-Roseraie sont insuffisantes, surtout avec l’arrivée de la saison froide. Il est donc installé un "Hôpital temporaire" à la Caserne de Plainpalais (aujourd’hui, seulement l’Arsenal à la rue de l’École-de-Médecine 13 subsiste de cet ensemble). Entre novembre 1918 et mars 1919, on y accueille 438 convalescents et convalescentes, ne nécessitant plus de soins aigus.

"Il faut avoir vécu les semaines de lutte et d’angoisse incessante de juillet et août 1918 pour se rendre compte de ce que fut alors notre vie hospitalière."

"La terrible épidémie n’a pas ménagé notre personnel, et nous avons à déplorer la mort de six employés de nos différents services qu’elle a enlevés à l’affection des leurs ; ce sont : Adèle Gutknecht, baigneuse ; Emile Mercier, nettoyeur ; Marthe Girard, infirmière ; Pauline Zosso, femme de chambre ; Eugène Méan, infirmier ; Marcel Huguenin, infirmier. Nous nous inclinons une fois de plus respectueusement devant ces victimes du devoir et nous rendons hommage à leur mémoire."

 

Citations tirées du rapport d’activité 1918 de la Commission administrative de l’Hôpital cantonal

À l’Hôpital cantonal ont été traités pour la grippe, au total, en 1918 :

  • À la Clinique médicale 1438 hommes (dont 256 décès) et 846 femmes (118 décès)
  • À la Clinique infantile 122 garçons (2 décès) et 151 filles (11 décès)

Et en 1919 :

  • À la Clinique médicale 214 hommes (dont 24 décès) et 197 femmes (15 décès)
  • À la Clinique infantile 27 garçons (1 décès) et 49 filles (3 décès) 

Licence Creative Commons CC-BY-SA – source : archives HUG – référence : art. 19903 / HUG_albumHC

Sources externes :

AMMON, Catherine, 2000. Chroniques d’une épidémie : grippe espagnole à Genève, 1918-1919. Diplôme d’études supérieures en histoire de la médecine. Genève : Université de Genève, Institut Jeantet d’histoire de la médecine. 83 p.

AMMON, Catherine, 2002. L’épidémie de grippe espagnole de 1918 à Genève, Suisse. Eurosurveillance [en ligne]. 1er décembre 2002. Vol. 7, no 12, pp. 190 192. DOI 10.2807/esm.07.12.00391-fr. Disponible à l’adresse : https://www.eurosurveillance.org/content/10.2807/esm.07.12.00391-fr [Consulté le 5 décembre 2025].

OFFICE FÉDÉRAL DE LA STATISTIQUE, 2018. La grippe espagnole de 1918 - Un pic de mortalité exceptionnel pour la Suisse [en ligne]. Disponible à l’adresse : https://www.bfs.admin.ch/asset/fr/6467465 [Consulté le 5 décembre 2025].

VUILLEUMIER, Christophe, 2020. Genève à l’heure de la grippe espagnole de 1918. Les paradigmes du temps [en ligne]. 26 février 2020. Disponible à l’adresse : https://blogs.letemps.ch/christophe-vuilleumier/2020/02/26/geneve-a-lhe… [Consulté le 5 décembre 2025]. 
 

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Dernière mise à jour : 05/12/2025